Deuxième visite de la bibliothèque du vélosophe, à la découverte d'un livre indispensable pour connaître les us et coutumes des cyclotouristes et autres cyclo-randonneurs, des diagonales aux courses "gentlemen" en passant par la visite chez le vélociste. Il s'agit du livre "Albina et la bicyclette" de Jacques Faizant (1918-2006) célèbre dessinateur de presse et fervent cyclotouriste fumeur de pipe.
Il nous conte avec beaucoup d'humour les aventures d'une jeune américaine qui débute dans le vélo en France, accompagnée dans cette initiation par un groupe de "cyclos chevronnés".
Voici un extrait auquel je pense souvent lorsqu'une voiture me frôle d'un peu trop près en me dépassant: "L'automobiliste le plus consciencieux - et il n'est pas question ici des imbéciles heureux qui ouvrent leur portière sans regarder derrière eux, ou de ceux qui vous doublent impérativement pour enfiler aussitôt un chemin sur leur droite au ras de votre roue avant, il n'est pas question des criminels endurcis qui vous serrent contre le trottoir ou vous croisent en troisième position exactement comme si vous n'existiez pas, il n'est pas question des mufles invétérés qui, arrivés silencieusement sur vos arrières, vous affolent brutalement d'un hurlement d'avertisseur au risque de vous faire vous jeter dans le fossé sur le coup de l'émotion - non, il est question de l'automobiliste consciencieux, amical et honnête homme, qui ne nourrit aucune mauvaise pensée contre ces concitoyens cyclistes et ne pêche que par ignorance. Cet automobiliste-là, donc, doit savoir une bonne fois pour toutes que son passage rapide provoque un déplacement d'air important et que, le bas-côté de la route étant toujours semé d'embûches, il est souhaitable qu'il laisse au cycliste qu'il double au moins la fameuse "place pour tomber", ce qui est rarement le cas. Il doit savoir, surtout s'il tire une caravane, que le cycliste va toujours beaucoup plus vite qu'il ne le croit et qu'il vaut mieux, pour son casier judiciaire et la paix de ses méditations futures, qu'il se rabatte un peu moins rapidement. Il doit savoir enfin que comme le piéton sont chez eux sur la route tout autant que lui et qu'il convient de partager l'espace vital, en frères, au lieu de jouer bêtement à "Ote-toi de là que je m'y mette!"
Les cyclistes, qui sont la plupart du temps automobilistes, savent ces choses, et lorsque sur une route tortillarde ou dans un col un peu long ils sentent une auto ralentir patiemment derrière eux, il n'est pas rare qu'au moment où elle les double, ils ne constatent, à un geste amical ou à la présence de vélos sur le toit, qu'ils ont affaire à des congénères.
Nous connaissons bien la réponse de tous ceux qui nous doublent et croisent ainsi au ras des moustaches: ils ont le coup d'oeil précis, ils sont sûrs de leurs réflexes, ils savent apprécier les distances, etc.
Je suggère à ces conducteurs de précision un petit truc qui leur épargnera peut-être un jour d'avoir un cycliste sur la conscience: chaque fois que l'occasion s'en présente, qu'ils se demandent (rapidement !) : "Dans les mêmes circonstances, croiserais-je ou doublerais-je, si à la place de ce cycliste, il y avait un motard de la police?"
Leur réponse et leur comportement (s'ils sont honnêtes) les étonneront."
Pour en savoir plus sur Jacques Faizant: http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Faizant
