"Une erreur courante consiste à penser que le vélo est le mari de la bicyclette. C’est faux. C’est son amant."
Pierre Desproges
Petite escapade
ascensionnelle sur le chemin menant au Vallon de Réchy. Impressionnant par endroits, il est même si escarpé dans le final que je n'ai pas pu finir sur mon vélo... La montagne a eu raison de ma
condition de cyclo-grimpeur acharné en m'obligeant à (re)devenir marcheur. Quelle belle leçon d'humilité!
"Délaisse les grandes routes, prends les
sentiers." Pythagore
Début du mois de BTW (Bike to Work) 2011 aujourd'hui sous la pluie... mais toujours en délaissant les grandes routes. Pythagore aurait certainement adoré le vélo au quotidien par ici!
"Prenons un homme chevauchant une bicyclette, nous pouvons connaître trois choses à son sujet. Nous savons qu'il est monté sur le vélo et qu'il a commencé à rouler. Nous savons qu'à un moment donné, il va s'arrêter et en descendre. Le plus important de tout est que nous savons que, si à un moment donné, il cesse de rouler et qu'il ne descend pas du vélo, il va tomber de celui-ci. C'est une métaphore du voyage à travers la vie de tout être vivant."
William Golding, Prix Nobel de littérature 1993
Plus vite que jamais Atalante ne vola,
En silence comme le travail de l'esprit,
Tu planes, fuyant les murailles
Pour voler là où - en mainte belle nuance
Au pâle clair de lune - la rosée chatoyante
Se montre en perles frémissantes, scintillantes;
Là où abondent les doux parfums, les champs embaumés
Et la nature derechef insuffle la vie à l'homme.
Ebahi, je te mène, créature de silence et d'acier!
Sans guère forcer pour te hâter à travers la nuit,
Me demandant si, comme moi, tu sens le joug,
Et si tu trouves du répit à survoler la verdure;
Si, à travers ton cadre ruissellent les plaisirs du parcours,
Répondant, aussi bien, à ma propre allégresse.
Extrait des Poems of Bicycling
S. Conant Foster
La route du col
Au-dessus des eaux du barrage
La route, la route du col, monte.
Et dans la nuit elle s'approche des étoiles:
Et dans la nuit parfois,
Elle croît plus raide qu'un pin -
Oui, plus raide qu'un arbre;
Alors que cette eau bruyante partout
M'appelle depuis le pied du col.
Comme quelque enclume sombre, battue
Par des coups de marteau étoilés
Qui étincellent de temps à autre,
A moi le sommet se dévoile.
Essoufflé, je me redresse lorsque les branches respirent,
Coi lorsqu'elles s'agitent - une chaîne,
Glacée bruyamment dans le tumulte de l'eau,
Se tend dans mon cerveau.
Un lien étoilé, ses maillons aussi doux
Que le fer dans la forge,
Casse; et le col, l'heure devient sauvage
Le long de l'orée du bois.
La voix des eaux suspend son chant,
Comme les fleuves rencontrent la mer:
Plus étrange que des voix dans la lune
Son dernier appel s'élève jusqu'à moi.
John Helston - Extraits de The Rhymes of a Cyclist
Le mandala est une configuration de cercles et de lignes droites qui, dans les religions hindouiste et bouddhiste, sert à définir un espace sacré ou à représenter l’ordre du cosmos. La musique
est la traduction sonore du cercle et de la ligne dans les mouvements en avant que celle-ci effectue et qui la ramènent ensuite, selon un mouvement circulaire, à des sons antérieurs. La
bicyclette est une extension technologique du corps humain qui, selon toute une géométrie de cercles et de lignes droites, forme un moyen de locomotion et de transport doté d’un rendement
miraculeux. Prise en son sens plein, mythique et quadri-dimensionnel, la pratique du cyclisme se révèle à la fois mandalique et musicale. Pour certains, la géométrie de la bicyclette permet de
définir un espace sacré et de configurer l’harmonie du cosmos. L’accord de cette géométrie avec la nôtre et le fait de coordonner le fonctionnement de la machine avec celui de notre propre corps
ressemblent à l’articulation non verbale de la musique, à l’harmonie du chant.
En tant que disciple de l'énergie respiratoire, le cyclisme engage directement tout ce qui, en nous, est véritablement spirituel et aérien. Exigeant un équilibre physique et psychique, de la
concentration, une activité motrice répétée et continue, et une profonde fonctionne comme un équivalent physique nuance de l’équilibre psychique, de la concentration, de l’harmonie et du rythme
dont parlent d’innombrables systèmes religieux et philosophiques. Les plus anciens et les plus vénérés de ces systèmes présupposent toujours que l’on ne peut agir sur l’esprit sans agir sur le
corps.
Bref, la bicyclette peut représenter dans la longue histoire des artefacts humains l’un des très rares exemples d’une interaction entièrement bénéfique et écologiquement innocente entre
technologie et art, entre matière et esprit. Si c’est un ravissement perpétuel que l’énergie, comme le dit William Blake, alors la bicyclette est une énergie. Car le fait de rouler de façon
disciplinée sur une bicyclette qui est légère et qui a plusieurs vitesses peut être psychotropique, changer notre esprit et notre cœur. Une course prolongée et concentrée a pour effet de
focaliser la perception, de préciser les contours, les couleurs et les sons du monde physique. Faire du vélo, c’est élargir et intensifier son champ visuel. Cette étonnante invention possède tout
simplement le pouvoir de changer la nature de notre relation au monde.
Extrait de Bicycle Consciousness.
Traduit de l’anglais par Guillaume
Pigeard de Gurbert et Richard Scholar.
Trouvé sur Internet et illustrant bien mon état d'esprit actuel:
A return to the Simple
Press the pause button.
It's time to feel the rain, the wind, the cold mountain air.
Turn the mobile phone off. It does have an off button.
Let the laptop power down.
Leave the e-mails go un-read.
Shred the to do list.
Unplug the television.
Ebay the playstation.
Don't eat anything you haven't made yourself.
Shop local.
Spend only what you can afford.
Leave the city.
Head to the hills.
Hear the quiet.
Look up at the sky.
Hear the noises of the wood.
Make a campfire.
Watch the fire flicker and the beans bubble.
Time to recharge those batteries.
Things got too complicated back there.
Traduction libre et qui vaut ce qu'elle vaut:
Un retour aux choses simples
Appuie sur le bouton "Pause".
Il est temps de sentir la pluie, le vent et l'air vif de la montagne.
Eteins ton téléphone mobile. Oui, il y a un bouton pour l'éteindre!
Laisse ton ordinateur portable s'éteindre tout seul.
Laisse tes e-mails non-lus.
Passe au destructeur ta liste des tâches.
Débranche la télévision.
Mets en vente sur Ebay la Playstation.
Ne mange rien que tu n'aies pas préparé toi-même.
Fais tes courses à l'épicerie du coin (en vélo).
Dépense uniquement ce que tu peux te permettre.
Quitte la ville (en vélo).
Dirige-toi vers les collines.
Apprécie le calme.
Regarde vers le ciel.
Ecoute les bruits de la forêt.
Fais un feu de bois.
Regarde les flammes vaciller et les haricots mijoter.
Il est temps de recharger ces batteries.
Les choses sont devenues trop compliquées en bas là-bas.
Pour ne savoir plus sur la simplicité volontaire: http://fr.ekopedia.org/Simplicit%C3%A9_volontaire
"Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été." Albert Camus
En ces temps de réchauffement planétaire rabâchés par les médias, je me demande si la vision du chalet du col de la Faucille sous la neige, ne fait pas définitivement partie des images d'un passé désormais révolu. Je plains les amoureux des sports d'hiver, ils doivent se passer de leur activité bien aimée sur les sommets avoisinants, sommets si honteux ce jour de leur pelade, qu'ils se cachent derrière de gros nuages gris . Mais moi, égoïstement, j'apprécie de pouvoir monter là-haut en vélo en ce début de mois de janvier, avec la même légereté et la même insouciance que lors de mes traditionnelles premières ascensions printanières. La route défile prestement sous mes roues et mes jambes "tricotent" de plaisir, avec en plus l'impression de franchir un tabou: Quoi? Monter la Faucille en vélo en janvier, ce n'est vraiment pas raisonnable!
A ce rythme-là et si rien n'est fait pour arrêter l'effet de serre, je m'imagine tout à fait rouler dans une vingtaine d'années, parcourant jour après jour la région en tenue légère, entouré de végétation et de tendres senteurs méditerranéennes en plein hiver. Je n'aurai même pas besoin de m'expatrier ou de descendre vers des contrées australes pour passer une douce retraite de cyclosophe...
"Passèrent près de moi les bicyclettes, (...) discrètes, véloces, transparentes: elles m'ont semblé simples mouvements de l'air." Pablo Neruda
Un jour d'été, il y a presque vingt ans, après avoir bien transpiré sur le versant sud du Passo della Cisa (1041 m.), un col qui permet de basculer depuis Pontremoli en Emilie-Romagne
sur Parme en Toscane, j'ai eu la surprise de trouver à son sommet une chapelle dédiée au sport. A l'intérieur, des maillots de champions ou d'anomymes ornaient les murs.
Cette abondance vestimentaire et publicitaire dans ce cadre sacré me parût, à l'époque, déplacée. Je ne pus toutefois m'empêcher de chercher dans cette penderie miraculeuse le
maillot bleu pâle à bande blanche de mon champion, il Campionissimo, le grand Fausto Coppi. Eh, oui! J'avais aussi une idole cycliste. En fait ce "tifosisme" religieux et
non-violent était plutôt rassurant à l'époque où les hooligans et autres ultras commençaient à envahir le sport.
Cet été, à l'heure de la Grande Boucle, j'étais sur les pentes de Joux-Plane. Lorsque Floyd Landis est passé devant moi, j'ai ressenti des frissons malgré mes cellules grises qui me disaient que ce n'était pas normal. Quel fantastique exploit il faisait là, surtout après sa défaillance de la veille! Il était si fin, si fragile en fait et pourtant il avançait, que dis-je, il (sur) volait cette route où j'avais failli mettre pied à terre plusieurs fois quelques instants plutôt... Moi qui avais fait plus de 40'000 mètres de dénivelé positif à l'entraînement depuis le mois de mai. Quelques jours après la radio annonçait une nouvelle attristante, Floyd Landis se serait dopé. Il avait été contrôlé positif le soir même de son exploit.
Comment croire en un Dieu qui laisse tant de mal, de tricherie, d'irrespect et de violence se propager sur la terre?
